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#1 01-12-2016 19:59:53

Djillali
Membre
Lieu: algerie
Date d'inscription: 01-12-2016
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Anecdote militaire, gourde et boissons fraîches ...

Anecdote militaire.
Gourde…… gourde et boissons fraîches.
En avril 1976, appelés du contingent depuis déjà deux longues années, nous étions mes camarades de promo et moi, libérables depuis trois semaines et pourtant, à notre grande désillusion, cela n’eut pas lieu car depuis l’affaire du Sahara Occidental ,des frictions avec le Maroc voisin commencèrent à poindre à l’horizon et notre sort étant lié à cette douloureuse affaire , l’état major décida de nous maintenir jusqu’à nouvel ordre car l’autodétermination du territoire exigée, à juste titre,par les nôtres alla empoisonner durablement les relations Algéro-marocaines.

Les jours déjà longs commencèrent à devenir interminables tant l’espoir de rentrer chez nous un jour prochain commençait à s’éloigner de nos horizons bouchés.
Et cette angoisse s’accentuait jour après jour, d’autant plus que nos supérieurs, interrogés à ce sujet, donnaient leur langue aux chats car personne dans la brigade ne pouvait savoir ce qu’il adviendrait de nous et la situation resta en l’état deux longs mois avant qu’un ordre de maintien arriva à la brigade et nous fumes à partir de cette date considérés comme militaires d’active avec les mêmes droits que les officiers de carrière, solde y afférent comprise, selon le grade.

Oh , il est vrai que pour l’officier que j’étais, ce n’était pas le boulot qui manquait car gérer par intérim, une compagnie de transport à Tindouf dans les conditions que l’on devine, avec la responsabilité d’alimenter plus de huit mille soldats en nourriture, en eau, en carburant, en médicaments, en ambulances etc.… et cela tous les jours de la semaine , sept jours sur sept, n’était pas une mince affaire et mon vieux téléphone en bakélite noire , Tail 43 soviétique n’arrêtait de sonner.

Dur boulot, mais qui permettait l’évasion et l’oubli de cette angoisse née de par notre incapacité à savoir le moment de la délivrance, un peu comme cette femme enceinte qui ne connaîtrait ni le sexe de son bébé, ni le lieu, ni la date d’accouchement.
L a journée de labeur commençait tôt, sous une chaleur parfois étouffante et se prolongeait jusqu’à 14 heures 30.Mais, nous étions sur le qui-vive, tout le temps, jour et nuit, car, un imprévu à régler, pouvait arriver à tout moment.

Ceux qui avait de la chance vivaient dans des casemates en sous sol creusées à deux mètres de profondeurs .Elles gardaient une certaines fraîcheur le jour, mais la nuit, il y régnait entre ses murs, une chaleur caniculaire étouffante qui pouvait attendre les quarante degrés.
Le soir, après le boulot, il nous était agréable de nous réunir entre potes, pour des discussions débridées qui nous faisaient passer gentiment le temps .Nos soirées s’agrémentaient aussi de longues parties de belotes ou de dominos qui tenaient en haleine aussi bien joueurs que spectateurs. Et cela duraient jusqu’à des heures indues.

Nous étions entre soldats et personne ne se formalisait d’un mot, d’un rire, d’une pique, d’une blague et dans ce climat de copains délurés, faire une farce à un ami était normal et très prisé par tous. Nous en rigolions à gorge déployée et cela s’arrêtait là.

Ils nous arrivaient de manger dans la même gamelle ou de boire dans le même verre. Il n’y avait ni grade, ni différence entre soldats de conscription ou d’active et tous avait ce comportement détendu de gars qu’un même destin unissait.

Il m’est souvenir pourtant d’une anecdote pas jolie sur le moment mais marrante quand on y repense.
Nous jouions une partie de dominos acharnées, quand quelqu’un parmi les spectateurs dégrafa et me chipa ma gourde que j’avais à la ceinture derrière le dos, pour boire un coup. Je laissais faire sans me retourner car nous le faisions tous sans problème, quand j’entendis derrière moi :
- noudh ya kalb. »--LÈVE TOI CHIEN.--
Je m’empressais de me retourner .C’était le commissaire politique de l’unité, le capitaine Che…. Qui crachait ses tripes à en vomir, le visage crispé, haineux. Il n’arrivait pas à en croire ses yeux. Il avait, lui, le musulman pratiquant, carré comme une souche, faisant même carême au sud, contre l’avis avisé des médecins militaires, et au détriment de sa santé, goulument avalé une bonne lampée de gros rouge de Mascara délicieux certainement pas fait pour son palais de buveur d’eau .

Tout le monde à part lui savait que ma gourde n’avait jamais contenu d’eau et certains de mes amis se servaient sans même demander la permission. Il me mit aux arrêts et m’envoyé en ville à Tindouf purger les deux semaines de tôles qu’il m’infligea.

Donc, me voila en prison et j’étais ravi d’être là. Et vu que j’étais aux arrêts simples j’avais la permission de sortir en ville, d’aller me doucher, prendre mon repas de midi dehors à l’hôtel Altour qui me servait aussi cette délicieuse et rafraîchissante Kronenbourg spéciale si appréciée des soldats.

J’y passais six jours de vacances magnifiques, quand une matinée, le commandant des arrières dont mon unité dépendait, me dénicha par hasard au restaurant militaire. Il me fit venir à sa table.
- Qu’est ce que vous foutez là ? Oh oui, le commandant avait de la politesse. Il vouvoyait un soldat avant de lui envoyer son pied au derrière et on avait intérêt à filer droit avec cet annabi de deux mètres de hauts à la musculature impressionnante.

- Je répondis d’une voix fluette, je suis en prison mon commandant.
- Quel est l’imbécile qui vous a envoyé vous la couler douce en ville. La prison est en haut, dans le camp. Demain je veux vous voir au rapport dans mon bureau, à la première heure.

Entre temps quelqu’un a du lui raconter ma mésaventure car le lendemain, me tenant droit comme i, devant lui, il me dit, dites moi officier cette gourde sans cervelle de capitaine a vraiment bu du vin ?
- Je crains bien que oui, mon commandant, une bonne gorgée au goulot de ma gourde.
- Au goulot de……. Il m’arrêta d’un geste et partit d’un rire fantastique qui secoua sa carcasse immense et me montra du doigt la porte, en ajoutant, allez au boulot, les arrêts sont levés.
- Et que je n’entende plus parler de vous.
Le commandant n’avait pas tort.

Il m’arrive encore de revoir la bobine du gus crachant sa langue, les yeux hors des orbites, et de me payer une bonne tranche de rigolade.
Il était bête et méchant comme une tique des bois, mais à sa décharge, il me permit de vivre six jours magnifiques, en ville loin du vent de sable, des scorpions et des vipères à cornes.

Six jours durant, sans penser à rien d’autre qu’à faire bombance et à me taper des grasses matinées interminables dans un bon lit de prison.

Et le reste bien sur, le reste que vous deviner aussi.j'avais 24 ans et j’étais soldat loin de chez moi. et je n’étais pas fait en bois de chêne momifié.

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