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#1 01-12-2016 18:54:21

Djillali
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Lieu: algerie
Date d'inscription: 01-12-2016
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Retour. C'est l'aube. Mardi 1 Mars 2016 2:08

Retour.
C'est l'aube.
Une lueur là, tout devant et un frissonnement d'air humide qu'il reçut comme une claque.
La-bas, tout au loin, se devine, déjà, une masse de couleurs et de formes que l’œil de l'homme n'arrive pas encore à distinguer nettement. Mohamed referma un œil mal réveillé. Pas encore bien ouvert. Dans sa tète, des souvenirs, des flashs s’illuminaient comme un instantané qui torturait sa mémoire. Se pouvait-il que ce fut cela ? Déjà ? Avait-il somnolé tant que ça ? Ou dormi même un peu plus que ne le laissait suggérer la progression de cette lueur informe qui maintenant éclairait le léger clapotis de vagues butant contre la coque du navire le cajolant de baisers humides et généreux. le vasistas entre-ouvert depuis la veille, l’attira. Il mit ses bras au dehors comme pour une première petite toilette que l'humidité de l'air ambiant finissait par faire accroire à sa peau requinquée. Il se chercha tout autour de lui, une serviette, n'en trouva pas et étendit un peu plus ses bras qu'il avait interminables comme pour les faire sécher à l’air libre et frissonna de tout un corps mal reposé et courbatu !
Un léger picotement de l'acier humide et froid sur la peau de ses avant-bras le fit lever la tête, droit devant. Il se lécha machinalement , le revers de sa main droite, et sursauta .Il crachota une salive salée dans l’eau devant lui. Sa langue lui suggéra enfin qu’il était bien en mer et il commença de se réveiller lentement. L'odeur d'iode le fit sortir de sa couche étroitement collée contre la paroi et commença ce rêve qu’il fit tant et tant de fois les yeux ouverts : Il se voyait sur un bateau, admirant le spectacle de son Alger qui avançait peu à peu vers lui, émergeant de sa brume matinale comme émergerait doucement très doucement, sous les doigts d’’un artiste, un diamant débarrassé de sa gangue et qui brillerait de mille feux, ses facettes scintillantes sous les rayons de l’aube. Alors le rêve commença. Il se vit rentrer chez-lui.
Il vit, dans sa tête torturée par ce spectacle tant attendu, par ce spectacle tant espéré des images inouïes, impensables hier, incroyablement réelles ce matin se bousculant devant ses yeux, son crane en fusion, et très belles toujours que son esprit effaré magnifiaient se sentant au paradis. Il imagina plus qu'il ne la vit , cette arrivée du bateau qui peu à peu progressait vers le port. Une baie immense, étirée telle la ligne d'horizon, ample, courbe, large, longue, bleue, zébra sa rétine affamée .Un éclair de charme égaya son cœur avide et emplit ses yeux de larmes qu'il refoula rapidement .Derrière lui, cette boule de lumière toujours ! Elle concentrait maintenant ses rayons vers les flans de la montagne devant lui et ,comme manipulée par une main invisible, en projecteur divin , elle se mit à éclairer plus rapidement, plus minutieusement une scène que la nature a mis des millions d’années à peaufiner en touches, toujours plus colorées, plus affinées, plus subtiles et dont les coups de pinceaux sur cette toile au fond azur rendaient hommage, autant au peintre, à l’artiste, qu’à l’œuvre elle-même.
Au-dessus de sa tête, entre ciel paisible et onde mouvante, une brume laiteuse, tenace pourtant, s’estompait peu à peu, sous les caresses charnelles des rayons lumineux qui l’enveloppaient d’une douce étreinte amoureuse et lascive. Et, sa mémoire titillée, réveillée par à-coups , lui rappela douloureusement la magnifique silhouette de ce relief dont les contours n’obéissaient à aucune règle connue, à aucune loi édictée autre que celle de ce gros bout de rocher têtu que l'amour pour une ville, pour sa ville, transforma en paradis terrestre.
Mohamed scruta les flancs de cette masse orgueilleuse et contempla délicieusement cette pente qui emmenait les visiteurs émerveillés, les passants conquis, vers son Alger à lui, vers son quartier, son Bab-El-Oued de toujours, vers sa chaude demeure familiale .Cette pente se déclinait en une fresque de plats et replats qui ondulaient en terrasses bigarrées sur lesquelles poussaient comme des massifs de fleurs parfumées aux couleurs diverses et magnifiques, des pâtés d’habitations accueillants, en un ciel constellés de masses laiteuses, des immeubles bas, à architecture unique dont la « blancheur » générale faisait la nique à des maisons de maître, des maisons coloniales dont les toitures rouge-coquelicot se perdaient dans cette harmonieuse overdose de blanc comme un sourire timide se fondrait dans une foule aux visages épanouis et rieurs. Ah, cette Casbah, que n’a-t-elle pas conquis comme regards d’artistes sous les pinceaux desquels chantaient des tableaux pour une passionnante et éternelle sérénade qui envoûtaient les cœurs amoureux et ravis sous la subtile symphonie d’une mer qui racontait en morceaux de musiques ensorcelants , harmonieux, langoureux et " picturaux, des pans entiers de l’Histoire de cette terre malmenée et tumultueuse !
" Papa, papa, regarde là-bas c’est Alger, ton Alger, on y est, oui, on y est. Elle est belle papa, elle est belle ta ville, c’est la plus belle, blanche, toute blanche comme la colombe de notre voisin Guillaume ". Et la voix qui le ramena en lui-même, lui rappela l’histoire de ce naïf jeune homme parti chercher fortune, au loin, des années avant, et qui retournait enfin chez lui .Son cœur se serra si fort qu'il l'entendit vacarmer une poitrine qui n'aspirait qu'au calme, qu'au repos que suggérait les caresses d'un ressac amoureux d'un lascif pied nu de montagne alanguie et charmée. Et une larme qu’il n’essuya pas, coula sur sa joue étonnée mais ravie. Une boule lui serra la gorge .Il sentit une main hésitante serrer la sienne. Des doigts tendres s’emparèrent des siens. Une paume chaude effleura la sienne et tenta de le rassurer. Il ressentit, comme pour une première fois, un regard d’une douceur infinie, une douceur féminine sans fin qui tentait de décoder un cœur fermé. Ses larmes maintenant impudiques coulaient à flots et comme les joies et peines sont communicatives entre amoureux éperdus ,sa femme sanglota elle aussi .Leurs visages aux larmes maintenant mêlées, disaient leur joie et l’enfant planté là, face à eux, dodelinait d’une tête intriguée qui s'émerveillait pourtant de magnifiques parents que la seule idée d’être ici, à Alger, chez eux, remplissaient de bonheur, sentiment éternel qui savait faire rire , qui savait faire chanter, danser ……mais aussi et surtout , surtout , qui savait faire pleurer de joie.

Ce texte fut écrit véritablement quelques minutes avant l'aube et me voilà maintenant devant vous, conteur invétéré et impénitent, griot incorrigible face à cette lumière , ces rayons..........

Djillali B.

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