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#1 01-12-2016 20:19:03

Djillali
Membre
Lieu: algerie
Date d'inscription: 01-12-2016
Messages: 66

Maman

Maman!
J'entends au-dessus de moi dans les cieux,
Les anges qui chantent entre eux.
Ils ne peuvent trouver de mot d'amour plus grand
Que celui-ci ....

.Drifa .

Dans les années 60 ma mère avait un four à pain en argile que nous l'appelions affectueusement el koucha.

En ce temps là, en ce temps béni des dieux, nous mangions un pain qui avait le goût du four, des braises, de la forêt, du sous-bois.
Il était cuit à la chaleur de branches de bruyères séchées et enflammées dans l’âtre pour préchauffer l'intérieur du four.

Cette plante très odorante à fleurs bleues poussait en taillis, en buissons, dans les hauteurs des environs de chez moi.
Fi blad Bouzid et au delà.

On l'appelions touzalte, un nom berbère certainement.
Nous allions l'arracher à la terre et nous la ramenions sur notre dos à pleines brassées de branches arrivées à maturité que ma mère mettait à sécher dans un coin du jardin.Il nous était arrivé de faire la corvée de bois trois à quatre fois par jour pour constituer le stock de la semaine.

Le pain cuit ,avait cette saveur des vieilles recettes maternelles.Il sentait bon le naturel et, mis dans la bouche, on avait tout de suite, sur la langue l'odeur , le goût, un peu acide de cette levure, ce levain naturel que nos anciennes faisaient elles même à la maison et le pain yekhmer sous une toile, un tissu qui le protégeait de tout.

Il levait juste ce qu'il fallait pour donner, non ce matlou3 comme on dit maintenant, mais cette kesra si délicieuse et si appétissante qui,coupée en deux, laissait apparaître les mêmes alvéoles que l'on voyait dans les ruches, sur les rayons à miel de cire d'abeilles.

Ah maman,maman,je me rappelle de ton doux sourire quand nous tous, petits et grands, mes frères et moi,une assiette devant nous, sur les genoux,une assiette , une assiette en verre transparent à la bordure dentelée que tu affectionnais particulièrement, une assiette qui s'humidifiait généreusement d'huile d'olive, assiettée dans laquelle surnageaient une demi tomate et quelques olives violettes, un peu amères,que tu préparais toi-meme à la maison.

Et nous, pendant ce temps là,nous attendions tous la première miche, sortie du four fumante, brûlante et gonflées .
Et chaude,elle n'en était que meilleure.

Je vois encore le petit trou percé au milieu, d'un coup de mokhtaf pour laisser s’échapper les gaz qui gonflaient à l’excès la miche qui cuisait lentement dans le four.
Tu la retirais ensuite d'un mouvement vif et sûr avec la louaha qui avait un triple usage .mettre dans le four, retourner la miche pour la faire dorer de l'autre coté et enfin pour la sortir du four.
Des gestes simples que je trouvais magiques pourtant.

Ah maman , je revois encore les gestes sublimes et que tu répétais sans relâche avec amour et compétence.
Tu pétrissais le pain, faisais à manger,laver les petits, cousais nos quelques vêtements , reprisais chaussettes et ourlets, repassais, élevait les enfants, tes 10 enfants .

Il t'arrivait très souvent, trop souvent même, d'aller donner le coup de main au père pour travailler le petit lopin de terre familial, niché tout en haut de la colline qui dominait la mer. Oui tu crapahutais jusqu'au haut, jusqu'à ce Boukhanfar que mon père aimait tant.Et tu redescendais le soir, fourbue,un couffin sur la tete, plein de fruits frais et savoureux et des légumes brillants que tu t'empressait de préparer pour le diner malgré ta fatigue.

Oui, maman, tu trouvais le temps, maman, de tout faire , le temps de tout bien faire, à croire que tu étais une fée venue spécialement du paradis pour les galopins que nous étions ....

Je sais maman que ton plus grand plaisir c’était de voir tes petits, les yeux brillants , assis en tailleurs autour de toi, salivant par avance , pressés de déguster les trésors que tu leur réservais.

Je sais maman qu'il t'est arrivé parfois de dormir sans diner, faute de nourriture suffisante.

Je sais aussi que jamais plainte n'est sortie de ta poitrine car tu étais au dessus de ces petites mesquineries de la vie, disais-tu.

Ah, maman , cette période bénie, des années 60, ne reviendra jamais, ni pour moi,ni pour personne d'autre.
Elle alliait amour,amitié, innocence et sérénité, tranquillité et vie paisible et heureuse où personne ne se prenait la tête et où tous, nous vivions pratiquement au même niveau social, dans une paix que ce pays ne connaîtra plus jamais.

Aujourd'hui, maman , j’achète mon pain chez la petite fille, la petite vendeuse du coin.
Mes enfants le trouvent délicieux.
Il l'est peut être.Il l'est surement pour ceux qui n'ont pas goûté au tien.

Mais moi, ce que je ne retrouve plus dans aucun pain, c'est cette ambiance familiale, cette fratrie fraternellement assemblée autour d'un four, dont la chaleur, été comme hiver, faisait brillait tes yeux et resplendir ton visage d'ange sur la surface de laquelle dansait le reflet de flammèches crépitantes tel une lumière divine qui transcendait la couleur blanche de ton âme et la saluait en s'inclinant tout bas. .

Dans aucun pain,je ne retrouverais plus jamais cet amour , cette touche particulière, ce melh que tu y mettais et qui faisait de ton pain, un peu, beaucoup,passionnément, suis-je tenté de dire, le meilleur pain du monde.

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